Aude. Août 2007. Les fantômes de la pensée ont été dérangés par les gardiens de l’ordre moral

   

Ils ne l'emporteront pas au paradis, ces enfoirés. Habitant les pays marécageux de la stupidité, ils seront vite retrouvés.

Déjà, on a des pistes. Quelques visites sur le net avec quelques mots clés suffisent : catholique, foi, intolérance, censure, interdit, obscénité.

La vice-procureure de Carcassonne, F.Galtier, a ainsi indiqué qu'une importante cellule d'enquête était attachée au dossier. " Tout sera quadrillé", a-t-elle rappelé.

Vous n'êtes pas au courant ? Faut dire que ça n'a pas fait les choux gras de la presse et des médias, ce délit ignoble.

De quoi s'agit-il ? La semaine dernière, dans la nuit de mercredi à jeudi, plusieurs milliers de livres ont été maculés de gasoil et d'huile de vidange. Ce saccage est intervenu dans la pièce qui accueillait la bibliothèque temporaire du Banquet du livre, à Lagrasse (Aude).

La dixième édition de cette manifestation littéraire se tenait comme d'habitude dans une ancienne abbaye, propriété du Conseil général.

Le préjudice matériel est important (80000 euros) car peu d'ouvrages ont pu être sauvés. Le préjudice moral et symbolique est quant à lui immense.

Cet acte de vandalisme s'apparente bien à un autodafé. L'huile de vidange s'est substituée au feu mais le mal fait est aussi profond : l'obscurantisme le plus sombre, la bêtise la plus crasse, l'autoritarisme le plus rigide, le puritanisme le plus infect, se sont conjugués, en août 2007, en france, pour humilier l'intelligence.

Le responsable de ce Banquet du livre, Christian Thorel, encore sous le choc : " Ils ont noirci les livres sans les ouvrir ; le livre est pour eux l’ennemi, on a affaire à des gens mariés avec une imbécillité définitive. Il y a un aspect infra-humain dans ce geste." 

Vous vous posez la question de savoir pourquoi ces livres ont été livrés au bûcher alors que cette manifestation en est à sa 10ème édition ?

Eh bien, le thème choisi était " La nuit sexuelle". Pourquoi ? C'est parce que les organisateurs avaient eu l'idée de programmer des lectures, de diffuser des films, de tenir des conférences autour du prochain livre de Pascal Quignard.

Les auteurs mobilisés pour ce programme ? Du classique : Sade, Pasolini, Oshima, Frears (Les liaisons dangereuses), Millet...

Pas de quoi en faire un plat.

Et pourtant.

Depuis juin, une poignée d'excités, ultra-cathos, intégristes moisis, déterminés à enflammer le monde comme les y invitait Jean Paul 2, ont mené campagne pour faire interdire cette manifestation culturelle, en " ce haut lieu de la chrétienté», par «la fine fleur des esprits tordus» qui se réunit «pour célébrer cette Nuit sexuelle qu’ils imaginent sans doute porteuse de quelque puissance occulte." 

Ces pourfendeurs du laxisme moral, ces purificateurs des esprits malades, ces milices au secours des valeurs sacrées du christianisme, ces fervents destructeurs de littérature lubrique sont donc passés à l'acte.
Si ce ne sont eux, ce sont leurs frères en censure frénétique.

Punir un livre est une chose, en soi, vraiment terrible.

N'oublions jamais : le livre est le fléau des dictatures, des autocraties, des théocraties.