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Ça branle dans le manche
22 novembre 2007

Doit-on se sentir coupable de se défendre ?

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Je suis partagé et perplexe. Partagé sur la conduite à tenir par rapport à la grève des cheminots de la SNCF et de la RATP et perplexe sur l'état de délabrement intellectuel et moral qui est celui des commentateurs de la vie politique et sociale de notre pays.

Réglons de suite le second malentendu : je n'ai pas pris la peine de poster des commentaires, par ci, par là, sur les différents sites ou blogs qui parlent du mouvement de grève car trop consterné par la bêtise crasse des anti-blocages ou anti-grévistes qui, il faut le reconnaître, pensent surtout avec leurs pieds puisqu'ils sont contraints, les pauvres chéris, de marcher un peu plus que d'habitude, pour faire comme si leur boulot était la chose la plus importante de leur vie.

Réflexions étriquées, propos au ras du bitume. J'ai bien l'impression qu'une grève de ce genre permet à des gens insipides de quitter leurs habits ordinaires et d'occuper une place que tout le monde leur refuse d'habitude, employeurs, collègues, conjoints, voisins...

Le rôle passif de 'bloqué', de 'pris en otage' leur est un révélateur.  Un moment de respiration.

Pour ce qui est de la poursuite de cette grève reconductible ou de la reprise partielle, il semble, d'après mes sources (syndicales) que les propositions mises sur la table des négociations sont vraiment significatives. Certaines d'entre elles vident même la 'réforme' (sic) des régimes spéciaux de sa substance.

Je suppose qu'un travail d'explication sera effectué à destination des cheminots.

Cela étant, ils ont des dizaines de raisons de se méfier et à cet effet, sont parfaitement en droit de continuer la grève. C'est ainsi que le rapport de force se consolide.

Le combat continue, comme dirait l'autre.

Pour développer le sujet, je vous mets la 1ère moitié d'un texte tout à fait limpide et mordant que j'ai trouvé ici :

http://www.hns-info.net/article.php3?id_article=12685

Ce site, c'est celui du collectif Hactivist News Service.

"Lettre d'un cheminot gréviste", que ça s'appelle.

Je vous connais, vous irez visiter le site en question pour prendre connaissance de la suite de cette lettre et glaner quelques infos opportunes par ces temps maussades et d'affrontement social.

Lettre d’un cheminot gréviste

Chère cliente, cher client,

Je suis en grève aujourd’hui et je l’assume. Oui, j’assume de devoir vous poser des problèmes dans votre train-train quotidien, j’assume de vous obliger à modifier vos habitudes quotidiennes.

On m’accuse de vous prendre en otages. Mais vous ai-je enfermés, vous ai-je attachés ?
Non, je vous laisse libres. Libres au milieu des contraintes que vous acceptez tous les jours sans vous en plaindre.

J’assume pleinement de vous laisser voir vos chaînes, parce que ces chaînes sont aussi les miennes.
Parce que moi aussi, je dois faire garder mes gamins quand je commence au petit matin, moi aussi, quand je rentre le soir, j’ouvre ma boite à factures qui naguère s’appelait boite aux lettres, moi aussi, je m’affale parfois dans le canapé pour manger docilement la soupe de la télé, car moi aussi, je vis dans cette société.
Oui, je l’assume. Comme j’assume les contraintes de mon métier qui me font vivre à part du groupe, qui me font travailler avant vous pour vous emmener bosser et après vous pour vous ramener à la maison.

Pour vous emmener dans votre famille passer les fêtes, je ne les passerai pas dans la mienne. Je vous transporte et par définition, mon travail commence là où s’arrête le vôtre, et vice versa.

Quand j’ai pris la décision de faire ce métier, il y a 15 ans, j’ai pesé le prix de ma mise à l’écart de la vie collective, par les horaires farfelus.
Ce prix, je l’ai accepté et j’entends me le faire payer.

Bien sûr, je ne suis pas le plus mal loti de la terre. Bien sûr, il y a bien pire et bien plus malheureux. Mais doit-on se sentir coupable d’avoir un toit en voyant les sans-abri ? Doit-on se sentir coupable d’avoir un emploi en comptant les chômeurs ?

Doit-on se sentir coupable de se défendre ? Ma défense, je l’ai préparée. Parce que les résultats des élections de mai ne laissaient aucun doute. Le conflit aurait lieu, historiquement il devait avoir lieu. Où et quand ?

Vous avez la réponse aujourd’hui. Parce que, je ne vous le cache pas, Il était encore sur le yacht de Bolloré que je mettais de côté l’argent nécessaire à ce combat.

S’il le faut, celui prévu pour quelques projets futiles sera utilisé et tant pis si le home cinéma ne vient pas dans mon foyer cette année.
Quoi, j’aurais pu me payer un home cinéma et je suis dans la rue ? Eh bien ça aussi je l’assume. Et sans aucune honte depuis que j’ai lu que la marque qui commercialise le plus grand écran plasma, un joujou à cent mille euros, visait aussi le marché des particuliers en France.

On me donne 2600 euros par mois pour conduire les trains, pas pour acheter mon silence et ma docilité. On trouve au MEDEF des syndicalistes bien mieux lotis ayant toujours une larme à faire couler sur leur sort.

C’est aussi pour ça que j’assume de faire grève aujourd’hui.
On m’accuse de ne pas faire preuve de solidarité parce que la réforme est nécessaire et doit être approuvée. A force de lire les rapports du Conseil d’Orientation des Retraites, à force de lire tout ce qui peut me tomber sous les yeux parlant de retraite, du Sénat au blog débile, j’ai acquis la conviction que tout cela aurait pu être évité, pour moi comme pour vous, si nos dirigeants avaient préparé ces échéances comme j’ai préparé cette grève.

On nous a parlé de catastrophe, de faillite, de banqueroute même, or n’importe quel économiste honnête vous le dira : en 2000, l’effort prévisible à réaliser, sans rien changer pour les retraites, pour les 40 années à venir était calculé inférieur à celui fourni pendant les 40 années passées.
On n’a montré que le petit bout de la lorgnette, on n’a pas dit que la richesse du pays augmenterait plus vite que cette charge, même dans les pires scénarii. Il y avait ce problème du baby boom ?
Et alors, est-ce une raison pour tout mettre à bas alors qu’il suffisait de remplir le fonds de réserve des retraites créé en 2002, la seule véritable réforme honnête faite sur le sujet ? Que fait un ménage quand il sait qu’une dépense va venir ? Soit il économise, soit il emprunte, soit il attend et se serre la ceinture le moment venu.

C’est cette voie qu’ont choisie nos dirigeants, c’est regrettable mais je suis citoyen et je respecte les suffrages.
Alors cette politique qui n’est pas la mienne, je l’assume y compris les conséquences, y compris cette grève.

[...]

   

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