Pour toutes les Quamille du monde
Elle est atroce cette photo. Tout le monde en conviendra, sauf ceux qui ont fait ça.
Tu trouves que j'y vais un peu fort ? Tu as raison.
Mais il fallait que tu la vois pour bien saisir le message que je vais faire passer au travers d'un fait divers sordide.
Oh! Je ne suis pas fier de la montrer, tu peux me croire mais encore une fois, elle importe.
Ce cheval a été dépecé.
Pour être précis, il a été découpé, comme en boucherie. Après avoir reçu une balle dans la tête.
Dans sa pâture.Pas en abattoir.
Quamille était une petite jument d'à peine 4 ans, vivant paisiblement avec ses 3 copines dans la ferme Les attelages de Verzenay (Marne).
Le lundi de Pâques au matin, Thierry Georgeton, le propriétaire de cette petite entreprise qui propose ballades et promenades commentées en attelage, a découvert la bestiole abattue et découpée sur place dans son pré.
Les fumiers qui ont exécuté cette besogne ont pris soin de trancher les 4 membres, de les emporter avec eux avec ce que les mangeurs de viande appellent les filets (chairs entourant la colonne vertébrale).
Ils ont utilisé des couteaux électriques. Le sale boulot est bien fait. Net. Malgré l'obscurité ou la demi-pénombre.
Des pros, on dirait.
S'ils bossent dans un abattoir ou un atelier de découpe, ça ne m'étonnerait pas.
Venus avec des sacs poubelles, ils ont embarqué les morceaux qu'ils avaient choisi.
Cette photo est dure et équivoque.Elle provoque l'émotion de ceux qui, pourtant, dans leur égoisme, délèguent à des anonymes le soin de tuer et de découper des centaines et des centaines d'animaux, petits poulets, vaches aux yeux doux, cochons sympathiques, pour avoir de la viande dans leur assiette.
Car cette jument avait un nom, une identité. Elle nous est devenue familière et son sort dégueulasse nous peine.
Et nous savons tous que si les amateurs de viande devaient tuer eux-mêmes les animaux, les démembrer, les couper et les vider de leurs viscères, ce serait régime sec.
Cette photo est amère car elle nous rappelle toutes les bétaillères que nous avons croisées sur les routes, transportant, dans des conditions horribles, des bêtes qui devinaient l'issue du voyage.
Cette photo est moche car elle nous envoie à la figure le spectacle d'un agneau entier, éventré de la tête à la queue, suspendu en vitrine d'un boucher ou d'une tête de veau sur son lit de persil en devanture d'un charcutier.
Cet article est rédigé en mémoire de Quamille, de toutes les Quamille du monde, les bovins, porçins, volailles qu'on est en train d'égorger en ce moment même.
Nota : cette affaire a été par ailleurs relatée par le quotidien L'Union.