Est-il acceptable de manger du teckel ?
J'ai toujours ce sentiment de trouble quand je reçois, régulièrement, des pétitions à signer contre l'hippophagie, la consommation de chiens en Chine ou en Corée alors même que je sais que beaucoup de ceux qui me les adressent mangent bien volontiers du rôti de boeuf avec leurs haricots verts ou du coq au vin. Sans parler du jambon à l'os et autres pâtés campagnards.Et du foie gras (Ohhh....Juste une fois l'an). Sans compter les sardines grillées en été quand le temps s'y prête.
Je les signe, ces pétitions. Sans illusion. Parce que le cercle vertueux est brisé par l'inconséquence.
A toutes celles et tous ceux qui me sollicitent dans ce cadre là, je dédie ces quelques lignes.
Elles sont extraites d'un ouvrage collectif (disponible en format de poche dans la collection Points aux Editions du Seuil) intitulé "La plus belle histoire des animaux."
Les auteurs ? Que du beau monde : Boris Cyrulnik, Jean-Pierre Digard, Pascal Picq et Karine-Lou Matignon.
On en est au chapitre 3 consacré au thème de l'animal objet. Et il est question précisément de l'animal rédempteur.
" Il y a là un paradoxe ou un clivage, en tous les cas un malaise qui s'illustre par cette fâcheuse tendance consistant, d'un côté, à humaniser les chiens et les chats, et, de l'autre, à n'accorder aucun intérêt aux animaux que l'on consomme.
- Justement, ce paradoxe est au centre de notre "système domesticatoire" occidental. Au point que l'on peut se demander si le fait d'aimer tellement nos animaux de compagnie n'aurait pas finalement pour fonction-une fonction rédemptrice en quelque sorte-de nous déculpabiliser d'élever pour les tuer et les manger, chaque année en France, un milliard d'animaux, toutes espèces confondues : bétail, volaille, etc.
Ceux-là, on les ignore, on les méprise, on reste indifférent à leur sort.
On ne sacrifie plus, on ne tue pas davantage, désormais, on abat; un terme qui, selon l'anthropologue N.Vialles, 'désanimalise la bête' et l'assimile à l'arbre ou à la matière inanimée ?
- C'est tout à fait ça. Et cette dissimulation va jusqu'à gommer les signes de l'animalité sur les étals des boucheries.
La présentation 'hyperconditionnée' des mets carnés a pour effet d'effacer l'apparence originelle de l'animal.
On veut bien consommer de la viande mais pas de l'animal ?
- C'est ça oui. Nous voulons bien être des 'sarcophages', mais nous ne supportons pas l'idée d'être des 'zoophages', pour reprendre la distinction établie par N.Vialles."