L'animal est un vivant qui ne peut pas s’opposer
"S’il n’est en effet pas moral d’introduire dans un oeil humain des substances corrosives pour évaluer les dégâts qu’elles y causent, on voit mal-oeil pour oeil-pour quelles raisons il est moral de faire subir la même chose à un animal.
Les tenants de l’expérimentation animale la déclare morale au motif que ce qui ne l’est pas, c’est ne de pas tout tester sur les animaux, aussi longtemps et sur autant d’espèces qu’il le faudra.
L’argument de la maladie et de la souffrance humaines ne vaut pourtant que si les souffrances dont on afflige les animaux ne sont, elles, ni terribles ni réelles.Par quel tour de passe-passe le cancer de la souris, dont le développement doit permettre d’élaborer un traitement sur l’homme, est-il moins terrible et moins douloureux pour elle que pour «nous», la terreur induite d’un animal rendu fou de peur moins pénible pour lui que pour «nous» ? Qui, nous ?
Il faudrait prolonger cette remarque par une réflexion sur la solitude radicale de l’animal de laboratoire qui, dépourvu des armes de la compréhension et de la distanciation, ne peut prendre aucun recul à l’égard d’un mal qui l’accapare tout entier, sans espoir ni consolation d’aucune sorte.
L’animal est encore, selon le constat (non pas désolé mais au contraire rassuré) de François Dagognet, «un vivant qui ne peut pas s’opposer»
Alors que la notion de consentement éclairé est au coeur de la bioéthique, l’animal de laboratoire est ce double de l’homme d’autant plus parfait qu’il est à tous égards impuissant à s’opposer aux traitements qu’on lui fait subir.
Au fondement du consentement se tient le caractère indisponible du corps, en tant qu’il se confond avec l’individu selon une adhérence primitive, de sorte qu’il est impossible d’avoir un corps sans être en même temps ce corps. C’est ce qu’un dualisme persistant, et si utile ici, ne veut pas voir.
On pourrait ajouter à ces premières raisons qui mettent en question l’évidence de l’expérimentation sur les animaux, le fait qu’elle cultive l’insensibilité.
Songe-t-on en effet suffisamment à ce dont se nourrit le geste expérimental : nuire ?"
Florence Burgat. Revue semestrielle de droit animalier (Faculté de droit et de sciences économiques de Limoges).2009.